Tout un peuple en détresse est tenu en otage
Il y a à peine une dizaine de jours, lors de la triste commémoration du 4 août 2020, date qui endeuille le Liban à tout jamais avec cette terrible explosion qui a fauché d’innombrables vies innocentes en dévastant au passage le cœur d’une ville où il faisait bon vivre, le monde découvrait avec horreur l’impasse dans laquelle l’enquête s’est enlisée : pour le moment, aucun responsable n’est identifié pour ce qui semble constituer un crime odieux contre la population civile.
La puissance publique est frappée de paralysie et il est fort à craindre que les victimes ne soient jamais dédommagées.
Ce que vivent les Libanais est d’une criante injustice. Ils assistent impuissants à une impunité générale qui n’a que trop duré.
Conscients de leur détresse, les Libanais en appellent au monde entier. Mais les puissances mondiales (exceptée la France) montrent très peu d’empressement à affronter la triste réalité de la tragédie libanaise, au risque de plonger dans l’ingérence face à un système fondamentalement enraciné dans un système communautaire sous obédiences étrangères.
Par ailleurs, ils sont nombreux ceux qui pensent tout bas que finalement les Libanais paient le juste tribut de leurs longues années de compromissions, de corruptions, de mauvaise gouvernance et de violation continue du bien commun. Si ceci est partiellement vrai, faut-il encore rappeler à ces redresseurs de torts qui ont la mémoire courte, que si les Libanais sont, certes, en grande partie les auteurs de leur propre tragédie, il ne faut cependant pas oublier qu’ils sont aussi les victimes des violents conflits régionaux qui ont envahi impunément le pays du Cèdre depuis plus de cinquante ans.
Après avoir été occupé pendant une trentaine d’années par l’armée Syrienne, le pays du Cèdre fut ensuite soumis à de très fortes ingérences étrangères contre lesquelles le peuple libanais n’a pas la force de résister.
Dites-moi, que serait-il advenu de n’importe quel pays s’il devait assumer pendant plus de dix ans la présence sur son territoire des réfugiés de guerre qui représentent plus de 25% de sa population sans aucune aide extérieure ? Quel autre pays a enduré ce que le Liban a dû subir des conséquences de la guerre civile en Syrie ?
Le Liban n’a jamais autant eu besoin d’un soutien efficace de la part de la communauté internationale pour restaurer sa souveraineté, édifier une puissance publique capable de gouverner, défendre toutes ses frontières et assurer les droits essentiels et les libertés fondamentales du citoyen.
Une nouvelle tragédie frappe le Liban
Mais depuis hier, la tragédie a encore pris une nouvelle tournure aussi dramatique que prévisible. L’annonce de la fin des subventions pour l’importation des hydrocarbures précipite le pays tout entier dans un dangereux chaos jamais connu même au cours des épisodes les plus tragiques de ses longues années de guerre civile depuis 1975.
Privés de fioul, les hôpitaux ne peuvent plus faire fonctionner leurs générateurs électriques. Hier, l’un des principaux CHU de Beyrouth lançait sur LinkedIn un message poignant : « appel pour un approvisionnement urgent en carburant avant la fermeture forcée ce lundi 16 août ». Le message précisait également, qu’en cas d’arrêt de son système électrique, « 40 adultes et 15 enfants actuellement branchés sur des respirateurs, mourront immédiatement (AUBMC appeals for urgent supply of fuel)»… Le pays plonge tout entier dans un chaos dont les péripéties sont tout aussi inconnues que dangereuses.
Quant à l’essence, les conséquences sont dévastatrices pour le citoyen qui désormais doit payer les 20 litres d’essence à plus de 300 000 LL alors qu’il les payait 70 000 LL, 24 heures auparavant.
Tout cela en dit long sur le désastre économique et les redoutables dérives sécuritaires qu’il menace d’engendrer.
Aucune perspective de sortie de crise
Sans gouvernement depuis plus d’un an, certains ont encore la naïveté de penser que le salut du Liban viendrait grâce aux élections programmées, en mai 2022. Rien n’est moins sûr : le système politique qui tient actuellement le pays, ne va jamais se laisser paisiblement dessaisir de sa puissance au profit d’une société civile certes militante, mais désorganisée.
Par ailleurs, l’échéance de ces élections est beaucoup trop lointaine pour remédier à l’hémorragie qu’endure la population libanaise prise au piège de la faillite financière du pays.
Les faits sont hélas têtus et les dernières annonces de la Banque Centrale sonnent le glas pour nous rappeler la triste réalité des pertes abyssales engrangées par le système bancaire dont les experts estiment qu’elles dépassent de plus de trois fois les capitaux propres de toutes les banques libanaises réunies.
Cette débâcle financière dont la véritable ampleur se révèle jour après jour, laisse entrevoir que le chemin sera bien long avant de combler les gouffres béants de la ruine économique du pays.
Le drame humanitaire est d’une très grande ampleur
L’État est fragilisé. La république édifiée en 1943 et rafistolée à maintes reprises lors des accords de Taëf ou de Doha, est devenue inopérante.
Quant au citoyen libanais, il est désormais un simple réfugié dans son propre pays. Nul ne sait où sa terrible misère mènera le pays. Des troubles d’une particulière violence sont à craindre à tout moment.
Les Libanais, après avoir subi la meurtrière explosion du 4 août, assistent impuissants à l’effondrement général du système de santé, à l’incurie totale du système énergétique, à la montée de la pauvreté et à l’invasion de la faim qui frappe plus de la moitié de la population.
Nous sommes dans une situation de non-assistance à des dizaine de milliers de malades en danger. La situation est particulièrement grave et aucune sortie de crise n’est en vue.
La paix civile est menacée. L’harmonie même de la mosaïque communautaire qui constitue l’ADN de ce pays, risque de disparaître en l’espace d’une génération.
Nous sommes face à un désastre humanitaire de grande ampleur ! Au nom de l’indéfectible amitié franco-libanaise il nous faudra encore et encore soutenir la population libanaise car le chemin de la résistance sera particulièrement long et pénible avant de pouvoir refonder le Liban de demain.
La mobilisation internationale est insuffisante et inadaptée face à l’ampleur de la crise
Les puissances internationales, la Banque Mondiale, le FMI adoptent une posture ambiguë, exigeant que des réformes drastiques soient menées dans le pays avant de débloquer les aides d’urgence.
Mais tout le monde le sait, les réformes nécessitent un consensus politique impossible à obtenir car le blocage entre les différents partis a atteint son paroxysme depuis 2019.
La Banque Mondiale avait émis une alerte le 1 juin 2021 signalant que la crise qui sévit au Liban est l’une des trois plus graves crises depuis 1850 dans le monde. Quant à l’UNICEF il vient de publier un rapport le 2 juillet dernier signalant que 30 % des enfants au Liban dorment en ayant faim et que plus de 60% de la population est obligée de recourir à l’endettement pour pouvoir acheter de quoi se nourrir.
Ces alarmes ne mobilisent pas pour autant des aides internationales concrètes de nature à soulager les souffrances de la population. Seule, la France s’est mobilisée pour soutenir ce petit pays en raison de l’amitié séculaire qui unit les deux peuples
Aucune aide financière internationale significative n’a encore été prévue. L’indifférence s’installe et la population libanaise déjà exposée à une grande précarité sécuritaire, est maintenant menacée de très graves risques sanitaires et de malnutrition, voire de famine (sans compter la situation de désespérance du million et demi de réfugiés accueillis au Liban depuis plus de dix ans).
Abandonnés à leur triste sort, les Libanais sont désarmés pour affronter seuls les drames humanitaires qu’ils endurent.
Notre action et nos priorités
Un tel tableau me direz-vous est bien sombre et décourageant.
Mais comment se laisser bercer d’illusions en espérant on ne sait quel miracle devant un tel désastre humain ?
Refuser l’aveuglement permet d’agir au mieux face à une telle situation.
Notre plan d’action, fixé depuis quelques mois, n’a pas varié. Malte Liban, grâce à ses généreux donateurs, soutient trois programmes d’action menés par l’Ordre de Malte au Liban :
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Les soins de santé :
Compte tenu de la raréfaction des médicaments au Liban, nous accueillons dans nos centres un afflux incessant et massif de Certains jours, nos médecins reçoivent plus de 80 patients par jour. Nous allons devoir avant fin 2021 doubler (voire tripler) notre capacité d’importation de médicaments grâce aux précieux soutiens de donateurs (l’action de l’association TULIPE nous est d’un grand secours dans ce domaine).
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Le programme Agro-Humanitaire :
Mis en place depuis 2019, nous permettons à 1500 petits exploitants agricoles de survivre et de conserver leurs terres (et de ne pas émigrer). Cela contribue à lutter contre la précarité alimentaire dans les zones où sont implantés nos Nous allons devoir augmenter notre soutien pour étendre ce Programme à plus de 3000 exploitants agricoles.
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Le Programme de soutien alimentaire aux enfants en bas âge :
Les boîtes de lait pour enfants sont en totale rupture de stock car il s’agit d’un produit importé. Approvisionner les populations vivant dans les zones où sont implantés nos Centres devient une priorité VITALE. Nous avons urgemment besoin d’acquérir en France 35 000 boîtes de lait pour enfant (0 à 6 mois) afin de les envoyer à nos Centres qui les distribueront aux Cette quantité suffira pour les besoins des douze prochains mois.
Nous savons que nous pouvons compter sur vos appuis et votre généreuse amitié pour soutenir dans la durée les actions déployées sur le terrain auprès des plus pauvres et des plus désarmés pris au piège du désastre humanitaire au Liban.
NB : n’hésitez pas à relayer cet appel d’urgence largement autour de vous et sur les réseaux sociaux car la situation est devenue une question de vie et de mort et nous avons besoin de davantage de soutien pour faire face aux urgences.
15 août 2021
Albert KFOURI, Président
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