Le Centre de BARQA, un dossier de béatification en cours d’instruction !
Barqa, petit village chrétien du Nord du Liban, est perché sur le flanc oriental de la chaîne du Mont Liban surplombant la plaine de la Békaa.
Depuis 1975, date du début de la guerre civile au Liban, les habitants de ce petit village sont en danger. Le village est totalement enclavé et toutes les routes qui mènent à Barqa traversent des zones devenues hostiles et parfois très dangereuses chaque fois qu’une flambée de violence vient allumer le feu de la discorde entre les communautés libanaises.
Nous sommes en 1985. La guerre fait rage dans la Bekaa. Le 14 mars, est découvert au fond d’un ravin le corps du curé de Barqa, un jeune prêtre jésuite, le
Père Nicolas Kluiters, disparu depuis quelques jours et signalé enfin par un vol de corbeaux. Atrocement supplicié, le Père Nicolas Kluiters « n’avait plus d’apparence humaine » (Isaïe, 52).
Né en 1940, à Delft (Hollande), le Père Nicolas est ordonné prêtre au sein de la Compagnie de Jésus et arrive au Liban en 1976. Installé au couvent jésuite de Taanayel, il sillonne la Bekaa, effectuant divers apostolats dans les différents villages chrétiens de la région. En 1981, il est nommé curé de Barqa (Baalbeck-Hermel).
En quelques mois il transforme Barqa et ses habitants. Il commence par construire au milieu du village une école complémentaire et encourage les religieuses de la congrégation des Saints-Coeurs à s’y établir.
Il met ensuite en oeuvre des chantiers pharaoniques en enrôlant tous les hommes du village en âge de travailler pour leur faire exécuter divers travaux titanesques qui durèrent plus de huit ans et dont certains se sont terminés après son assassinat : terrassements, canaux d’irrigation, un gigantesque réservoir pour recueillir l’eau de la fonte des neiges, plantations d’arbres fruitiers dans d’immenses vergers (pour combattre la culture illégale du haschisch), atelier de confection et de couture (en collaboration avec une usine textile de Beyrouth), percement d’une route conduisant aux vergers éloignés et construction d’une église magnifique pour les bergers.
Outre leur caractère démesuré, ces projets rassembleurs ont fédéré les villageois et leur ont surtout permis de désenclaver leur village en ouvrant à main d’hommes une route escarpée dans la montagne qui permettait de les relier au versant occidental du Mont Liban où se trouvaient de nombreux villages chrétiens.
Ainsi, grâce à ces travaux de grande envergure, Barqa échappait définitivement à l’encerclement menaçant des villages hostiles de la région de Baalbeck-Hermel.
En 1984, pensant que le village de Barqa avait été sécurisé grâce au désenclavement et que les projets entrepris étaient sur le point de s’achever avec succès, le père Nicolas songeait à quitter le Liban pour aller servir les chrétiens persécutés du Soudan. Mais un projet lui tenait encore à coeur : il voulait créer un Centre de Santé pour que les habitants de Barqa et de ses environs puissent être soignés sans avoir à courir les routes dangereuses pour atteindre les hôpitaux de la région de Baalbeck-Hermel.
Ce jour-là, le Père Nicolas venait de célébrer la messe chez les religieuses de Hermel. Un autre rendezvous l’attendait en début d’après-midi avec le Prince Edouard de Lobkowicz, Ambassadeur de l’Ordre de Malte au Liban, pour décider avec lui de l’emplacement du futur Centre de Santé que l’Ordre de Malte
acceptait de construire à Barqa. De peur d’arriver en retard, le père emprunte un itinéraire plus direct et plus rapide, mais plus risqué.
Nous sommes en plein hiver, le soir tombe tôt, l’Ambassadeur de l’Ordre de Malte, le Prince Edouard, l’attend en vain jusqu’à la tombée du soir. Le père Nicolas a disparu et personne ne sait ce qu’il est devenu.
Sa disparition avait été signalée le soir même à toutes les autorités compétentes mais il fallut attendre plusieurs semaines avant de savoir qu’à mi-chemin, lors de son retour vers Barqa, des tirs avaient visé les pneus de sa voiture, l’obligeant à s’arrêter. Tentant de résister énergiquement et de fuir à pied, une balle l’a atteint. Il tombe. Il est capturé, sauvagement torturé avant d’être jeté dans un ravin. C’est ainsi que ce 14 mars 1985, les habitants de Barqa découvrirent que leur jeune et courageux curé qui les avait sauvés et aidés à retrouver leur courage et leur dignité, les avait quittés pour entrer dans l’innombrable légion des martyrs pour la foi.
En hommage au Père Nicolas, l’Ordre de Malte, sous l’impulsion du Prince Edouard de Lobkowicz et de son épouse SAR la Princesse Françoise de Bourbon Lobkowicz, ouvre le Centre médical de Barqa en 1985, à peine six mois après l’assassinat du Père Nicolas.
Soeur Marie-Rachel fut la première directrice du Centre de Barqa. Tout aussi énergique que le Père Nicolas, elle n’hésitait pas à parcourir les mauvaises routes de montagne pour soigner ceux qui ne pouvaient se déplacer et distribuer des vêtements aux plus démunis. Avec Soeur Geneviève, elle se sont battues pour la survie de l’ouvroir (atelier de couture qui emploie plusieurs dizaines de femmes du village), car le remboursement de l’achat des machines coûtait cher, le chauffage aussi.
A la suite du Père Nicolas, Soeur Marie-Rachel réussit à terminer les travaux de création des lacs-réservoirs et la construction d’une quinzaine de kilomètres de canalisation d’adduction d’eau pour l’irrigation des plantations avec l’aide des Scouts et Guides Saint Benoît venus spécialement de France.
Malgré sa santé fragile (plus de 21 opérations subies), à son tour, Soeur Marie-Rachel a déplacé des montagnes : elle a fait construire un nouveau réservoir niché à 1 900 mètres d’altitude, avec 11 km de canalisations. Puis un second réservoir, financé par l’Union Européenne, puis encore un troisième réservoir offert par une association américaine « Creative Association » et enfin un quatrième bassin a aussi vu le jour grâce à un financement octroyé par le Japon.
A l’exemple du Père Nicolas, l’infatigable zèle de cette religieuse fragile mais forte était une formidable et édifiante leçon de courage pour nous tous qui l’avons côtoyée. Plus de vingt ans après, en 2008, avant de nous quitter, Soeur Marie-Rachel nous lançait ce cri d’alarme en écrivant : « (…) il n’y a pas, dans toute la région, un médecin ou un hôpital (…). Il y a le Centre de Barqa, Providence de toute la région, qui jour et nuit est à la disposition de tous. (…) Nous rendons grâce à Dieu pour ce Centre qui, depuis 23 ans de travail assidu, a vu 325 206 patients et délivré 568 688 actes médicaux et qui lutte de toutes ses forces pour se maintenir fort… (…) ». Puis elle terminait cette lettre par ce constat, hélas aujourd’hui inchangé : « (…) Outre la santé, nous avons à veiller sur l’aspect social : sur les vieux, les handicapés, les bébés qui manquent de lait et dont les mamans pleurent devant nous pour les aider à acheter le lait… et que dire des papas sans travail et sans aucune possibilité de travail dans cette région limitrophe démunie… Quel poids nous portons ! C’est un cri d’alarme que nous lançons… (…) ».
En décembre 2012, en quittant ce monde, Soeur Marie-Rachel pouvait présenter à son Créateur l’humble bilan de son immense oeuvre poursuivie à la suite du Père Nicolas au service des habitants de ce petit village anciennement enclavé, vivant sous le joug de la menace permanente et qui devint, grâce à elle et au Père Nicolas, le poumon de la région : des vergers luxuriants, un ouvroir qui permet à 30 femmes de travailler, une petite usine de denrées alimentaires, une cave de vins, une usine de détergents, une fabrique de charbon, une fabrique de nylon, une coopérative et une station essence, sans oublier la ferme d’élevage de vaches et d’autruches pour le lait, le fromage et la viande.
L’Association Malte Liban organisait chaque année une visite à Barqa, invitant plusieurs donateurs dont notamment Le Président du Sénat, Monsieur Gérard Larcher, à venir constater le courage de ses habitants. En décembre 2012, en hommage à Soeur Marie-Rachel, le Président Larcher envoyait ce message :
« Soeur Rachel,
C’était la Foi dans le Christ, C’était l’accueil des plus faibles,
C’était une Libanaise qui portait son pays au coeur, celui de la liberté, de la diversité et de la souveraineté.
Nous avions tant de souvenirs ensemble avec la Princesse et le Prince, des souvenirs heureux avec l’ouverture
des ateliers, l’agrandissement et l’équipement du Centre de santé.
Des souvenirs douloureux aussi, avec la mort tragique du Père Kluiters, la violence de la guerre.
Soeur Rachel, c’est le souvenir de tricots pour mes enfants et mes petits-enfants.
Ce cri : « Monsieur Larcher ! On vous aime ! Ne nous oubliez pas ! », elle me l’avait redit à Beyrouth en 2010. En pensant à elle, je partage les Béatitudes : « Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu ». Nous prions pour elle. »
Depuis plus de trente-cinq ans, grâce à vous Chers Donateurs, Malte Liban a soutenu tous les ans Barqa. Grâce à vous, nous répondrons encore au cri de notre Chère Soeur Marie-Rachel : « OUI, nous aussi on vous aime et nous n’oublierons jamais Barqa et ses courageux habitants ! ».
Le Père Nicolas Kluiters : la béatification est en cours
Le procès en vue de la Béatification du Père Nicolas Kluiters s’est ouvert le 22 janvier 2022 à Beyrouth. La séance du tribunal ecclésiastique chargé d’instruire le dossier était présidée par Mgr Essayan. Le dossier sera ensuite instruit à Rome.
En cette période de Carême, n’hésitez pas à confier vos intentions de prière au Père Nicolas, lui qui a su si énergiquement faire de sa vie un sacrifice – jusqu’au martyre – pour sauver les habitants de Barqa, il saura porter vos intentions auprès de l’autel de La Majesté Divine pour défendre et soutenir tout aussi énergiquement vos prières.
Le Liban de plus en plus délaissé à son triste sort
Cela fait 47 ans (soit deux générations) que les Libanais sont tourmentés par une succession de fléaux et de violences qui les poussent à émigrer.
Les deux dernières années ont été d’une particulière cruauté : le système financier s’est effondré entrainant plus de 75% des Libanais sous le seuil de pauvreté et une explosion d’une puissance quasi nucléaire a explosé en plein coeur de la capitale un soir du 4 août.
Le chaos sanitaire et social est immense et la Banque Mondiale n’hésite pas à le qualifier comme étant l’une des trois plus importantes catastrophes humanitaires survenues dans le monde depuis 1850.
Mais la Communauté Internationale semble vouloir délaisser les Libanais à leur triste sort. Seule la France et les Français continuent à soutenir ce pays au nom de l’amitié franco-libanaise qui remonte à plus de 900 ans et qui s’est toujours montrée précieuse et indispensable à tous les moments critiques dans l’histoire de ce pays.
Maintenant que la guerre s’est invitée au coeur même de l’Europe, il ne nous sera plus donné de pouvoir compter sur les secours internationaux.
Il nous revient de doubler nos efforts et de compter sur nos fidèles Donateurs et Amis qui ont toujours été présents à nos côtés pour soutenir la détresse des Libanais.
Chers Donateurs encore merci pour tout ce que vous avez fait, mais nous vous demandons encore de bien vouloir nous aider à diffuser le plus largement possible le cri du Liban : n’hésitez pas à nous écrire par La Poste (ou par e-mail) pour nous communiquer le nom et l’adresse de ceux de vos amis qui seraient intéressés de recevoir notre bulletin périodique.
SOYONS ENCORE PLUS NOMBREUX À AIDER LES LIBANAIS !
Carême 2022
Charles-Henri d’ARAGON,
Président d’Honneur
Albert KFOURI,
Président
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